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moque d'un fasciste, piquant en lui l'esprit qu'il voudrait mépriser, qu'il
s'efforce de ne point avoir, je dois attendre que le jour où il me tiendra à dix
contre un, ce sera précisément l'esprit raisonneur qu'il voudra humilier ; et il y
arrivera. C'est pourquoi je veux toujours imaginer quelque bouteille d'huile de
ricin dans sa poche. Car sa logique va jusque-là. Et si je le sais, si j'y crois
vraiment, alors je jouerai serré contre l'huile de ricin. Et je n'attendrai pas
d'être d'accord métaphysiquement avec les amis de la justice pour faite
phalange avec eux. Phalange, j'entends masse qui résiste, masse disciplinée,
nullement folle. Par quoi nous vaincrons, mais toujours péniblement et médio-
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crement. Comment n'en serait-il pas ainsi puisque, comme on l'a dit cent fois,
nous ne cessons d'offrir, et dans le combat même, la liberté et la justice à des
hommes qui nous refusent l'une et l'autre ?
1er juin, 1933.
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Esquisses de l homme (1927), 4e édition, 1938
XXXII
La comédie humaine
14 décembre 1935.
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On parlait de cette étonnante réconciliation des partis, sincère sur le
moment, et sans durée. « Quelle mobilité, dit le médecin, et quelle instabilité
dans les passions ! L'homme n'est-il pas comme le violon, grinçant ou sublime
selon l'archet ? Dix ans à grincer, par une malencontreuse attaque, et soudai-
nement sublime comme s'il n'avait jamais grincé ; d'ailleurs toujours content.
Ce qui n'est point miraculeux si l'on a divisé et décrit les fibres musculaires
qui font l'assassin et le sauveteur. car ce sont les mêmes. L'enthousiasme de
haïr et celui d'aimer font résonner presque de même manière la cage thora-
cique ; et dans les deux cas, c'est plénitude de vie, tous conduits ouverts,
aération, lavage, et bonheur. Ne comptez pas sur les bons, ni sur les
méchants. »
Il n'est pas besoin, dit le Darwinien, de regarder aux fibres ; d'autant
qu'on ne les connaît qu'en gros. Observez le comportement, il vous dira tout,
si vous avez patience. Il suffit d'observer une mère qui mange de baisers son
petit, comme on dit si bien. On connaît des insectes qui dévorent très bien leur
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conjoint. C'est qu'il n'y a pas deux manières opposées de signifier qu'on aime
et qu'on hait. Étreindre et étouffer sont le même geste. Et, au surplus, ce qu'on
mange avec bonheur, peut-on dire si on l'aime ou si on le hait ? On l'aime
puisqu'on le désire, on le hait puisqu'on le détruit. La poignée de main est
aussi une prise de main et un essai de force, et le rire découvre les dents
carnassières. L'ambiguïté des passions explique les surprises de l'existence
humaine ; et il y a moins de différence entre la lutte et la réconciliation
qu'entre se lever pour ces choses ou rester couché. Les changements qui
semblent impossibles en imagination sont faciles en fait ; et, comme nous
disons le milieu fait tout ; et n'oublions pas qu'il change lui-même par l'hom-
me, et bien plus que l'homme. Ma politique est de ne se fier qu'au changement
même.
Le politique rêvait : « La bicyclette, dit-il, se tient en équilibre parce
qu'elle roule. C'est ainsi que je vois nos habiles naviguer sur l'élément
instable ; et la sottise des autres, de nous autres, est peut-être d'attendre qu'on
puisse marcher sur l'eau. Il y a bien de la ressource dans les hommes dès qu'on
ne les prend plus au sérieux. »
Le poète suivait une autre idée. « Je sais me moquer, dit-il, de ces hommes
mécaniques ; toutefois en prose seulement. Le chant fait paraître l'autre moitié
de l'homme. J'ai vu les hommes plus rusés que vous ne dites, et plus habiles à
jouer de leur propre harpe. Car ils sont tous comme l'acteur, qui sait bien
rugir, trembler, pleurer, rougir, pâlir, défaillir et renaître à son propre
commandement ; ce qui n'empêche pas qu'il dépasse toujours un peu la limite
qu'il a marquée. Toutefois, l'Othello véritable est plus aisément dupe de son
propre jeu, jusqu'à vous étrangler tout net par la suite d'une simple menace,
comme il pleurera bientôt sur vos malheurs s'il a commencé à feindre le
pardon. Je conviens que cela ferait un monde absurde, dont les ivrognes et
leurs virements et revirements nous donneraient quelque idée ; oui, s'il n'y
avait le théâtre, qui est l'école des princes et des sujets et le seul conservatoire
de la raison. Car l'acteur, qui ne va tout de même pas au désespoir, forme le
public à n'être jamais tout à fait dupe ; c'est ainsi que l'acteur et le public
ensemble apprennent à sentir. On dit qu'il n'y a plus de théâtre, et cela est à
regretter ; car il me paraît que 1'art de l'écran ne peut conduire d'une manière
aussi efficace cette éducation mutuelle. Nous aurons donc de dangereux
tragédiens échappés dans les rues. »
À moins, dit le politique, que nous ne venions à estimer au-dessus de
tout le flegmatique, comme font les Anglais. Et sans doute y a-t-il plus de
théâtre véritable dans leur parlement que dans le nôtre. En tout cas je plains
nos journalistes s'ils se mêlent de raisonner. Les coups de théâtre se suivent
comme des coups de tonnerre, et leur papier s'effondre sous leur stylo. Sem-
blables quelquefois à Javert sauvé par Jean Valjean, ils iraient bien se jeter à
l'eau, s'ils n'étaient retenus par un reste d'éducation théâtrale.
Vous jouez tous de vos idées, dit le sage, comme des hommes très rusés
que vous êtes ; et je crois bien que tous les hommes sont comme vous. Ils se
cachent dans un rôle, et, par un trou semblable au trou du rideau de notre
enfance, ils observent très bien sans être vus. Avouez que tout compté les
ligues ne pourront finir que par un geste noble comme celui qu'elles ont
essayé. Car elles voient bien qu'elles n'ont pas le nombre, et que le nombre
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s'organise par elles, et se trouvera armé quand elles le seront. Même un
homme sans imagination peut bien prévoir le retour à la garde nationale cette
institution éternelle. Qui de ces Messieurs de la droite n'a compris que, s'ils
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