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goût de lutrin. Il a dû entonner les vêpres, dans son village, quand
il était jeune, car il a conservé un peu de la mélopée du répons, au
fond de sa gorge brûlée par l air vicié des villes.
Il a été petit patron ; la faillite lui a mangé ses quelques sous.
Il n en parle jamais, capable de croire qu il a entaché le blason du
parti  mais la blêmeur qui lui enfarine la face est peut-être venue
le matin où le syndic a prononcé la déchéance.
Ceux qui le connaissent savent qu il en souffre& mais
combien savent également qu il a été et qu il est un homme de
bien et d honneur !
Sobre, buvant des sirops  le grand cadavre !  pour trinquer
avec les buveurs de vin ; mangeant mal pour laisser sa part aux
autres ; pouvant à peine, en passant les nuits, arriver à nourrir six
enfants qui poussent autour de lui, sans mère.
Elle est morte, après avoir été l éducatrice de son mari 
femme de cSur vaillant à qui les petits qui sont là doivent une
éternelle reconnaissance pour son dévouement ; et aussi, peut-
être, l éternelle détresse, pour le levain de colère sociale qu elle fit
fermenter dans leur cSur, leur prêchant la solidarité avec les
humbles et le droit de révolte des meurtris, même du haut de son
grabat d agonie !
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Dimanche, 21 mai.
La dernière séance avait été chaude. Trois membres de la
minorité s étaient présentés pour déclarer qu avant tout ils
voulaient la lutte sans merci contre l ennemi, et qu ils revenaient
sur leur résolution de ne pas reparaître à l Hôtel de Ville si le
peuple pouvait croire que leur colère contre le Comité de Salut
public n était qu un prétexte à fuir les responsabilités sanglantes.
Ah ! mieux vaut sombrer sous le pavillon fait avec les
guenilles de 93, mieux vaut accepter une dictature renouvelée du
déluge et qui nous a paru une insulte à la révolution nouvelle,
mieux vaut tout !  que paraître abandonner le combat !
Et la paix s est faite ; on l a signée verbalement, et sur un coup
de canon qui a, soudainement, fait trembler les vitres et fait
sauter les cSurs. Il a éclaté à l improviste, et a retenti formidable
et lugubre.
La main dans la main, camarades !
Aujourd hui, la séance est plus solennelle encore.
Pour sceller la réconciliation d avant-hier, on vient de
nommer président Vingtras, celui dont le journal a été l organe
des dissidents depuis le commencement de la lutte.
Et ceux de la minorité qui, comme Tridon, avaient mis leur
courage à ne pas venir, restant fidèles quand même à la
résolution votée, ceux-là ont, cette fois, regagné leur place, parce
qu il est écrit, dans la Déclaration blâmée par les faubourgs, que
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s il y avait, un jour, à juger l un des nôtres, on rendrait la justice
tous guidons réunis, toutes haines éteintes, dans la salle de la
Commune repeuplée et érigée en tribunal suprême.
Or, Cluseret, l accusé, va être amené.
Le voici ! Son sort va se décider.
Qu a-t-on dit ? &
Les rancunes se sont apaisées, les défiances assoupies.
On devine que la liberté est au bout du débat, mais il se
déroule imposant. Les orateurs sont réfléchis et l auditoire muet.
À ce moment, une porte s ouvre, celle par où entrent
d ordinaire les membres du Comité de Salut public, et Billioray
apparaît.
Il demande la parole.
« Quand Vermorel aura terminé, ai-je répondu.
 Il s agit d une communication à faire à l Assemblée& d une
communication des plus graves !
 Parlez ! & »
Il lit le papier qu il tient à la main.
C est une dépêche de Dombrowski :
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« Les Versaillais viennent de forcer l entrée& »
Comme une nappe de silence !
Cela a duré le temps pour chacun de faire ses adieux à la vie !
Il m a semblé, à moi, que tout mon sang descendait vers la
terre, tandis que mes yeux devenaient plus clairs et plus grands
dans ma face pâlie.
Il m a semblé entrevoir loin, bien loin, une silhouette
grotesque et défigurée. Je me suis vu couvert de boue !
Oh ! la peur de la torture n y est pour rien ! mais pour rien ! !
 C est mon orgueil qui râle. Vaincu ! tué ! avant d avoir rien fait !
&
En une seconde, ces pensées m ont sabré l esprit.
Président de l agonie de la Commune, comment vas-tu
sonner le glas de sa mort ?
Laissant le silence planer  le temps de montrer à l histoire
que le calme n avait pas déserté les âmes à la nouvelle de la
défaite et devant les premières affres du supplice  j ai repris
d une voix que j avais armée de sérénité, en m adressant à
Cluseret :
« Accusé, vous avez la parole pour vous défendre ! »
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Il me semble que c est bien de finir sur un mot de justice, de
paraître oublier tout le danger pour ne pas retarder un verdict
d où dépendent l honneur et l existence d un homme.
C est fini.  Acquitté !
La séance est levée !
Je vais à mon banc chercher des paperasses qui traînent, et
sur lesquelles j avais griffonné les premières lignes d un article
pour demain.
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Demain !
Je m imagine que nous n avons plus que quelques heures
devant nous pour embrasser ceux que nous aimons, bâcler notre
testament si c est la peine, et nous préparer à faire bonne figure
devant le peloton d exécution.
Corrompu que je suis ! Je voudrais dîner royalement avant de
partir ! Il m est bien permis de me gargariser la gorge et le cSur
avec un peu de vin vieux, avant qu on me lave la tête ou qu on me
rince les entrailles avec du plomb !
La Commune ne sera pas perdue pour si peu ! & Et j aurai eu
la veine de finir comme un viveur, après avoir vécu comme un
meurt-de-faim !
« Madame Laveur ! une bouteille de Nuits, du boudin aux
pommes, une frangipane de quarante sous  j en emporterai ! 
et des confitures de la grand-mère, de celles-là, en haut, sur
l armoire, vous savez ! & Messieurs, à votre santé. »
J ai bien traîné là une heure. J ai trouvé le bourgogne si
chaud, le boudin si gras, et la frangipane si sucrée !
« Encore un verre de fine&
 Ah ! mais non ! Pas la caboche lourde ! »
Je jette la serviette et prends mon chapeau.
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Avec Langevin, nous filons du côté où l on nous dit qu est
Lisbonne.
Porte de Versailles.
« Présent, colonel !
 Tant mieux ! Les trente sous seront contents de voir des
gouvernants à côté d eux. Tout est en ordre, mes mesures sont
prises, et comme je tombe de fatigue, je vais piquer un somme
dans ce coin. Faites-en autant, croyez-moi ; mieux vaut ne pas
s esquinter d avance. »
Nous suivons le conseil, et nous nous étendons chacun sur
une vareuse, avec une giberne pour oreiller, pas bien loin d un lit
où est allongé, hideux dans son costume bleu de ciel, un turco,
l ordonnance de Lisbonne, qui hier a été mis en capilotade par un
obus, et dont le crâne défoncé a l air d avoir été rongé par les rats.
Je ne dors pas ! J écoute, l oreille contre terre, les bruits qui
peuvent venir du lointain.
Y a-t-il un lien de défense, un plan d ensemble ? C est le
général La Cécilia, m a-t-on dit, le commandant de ce rayon de
Paris, qui porte ces secrets dans les fontes de sa selle. Il doit venir
donner à Lisbonne les dernières instructions.
Nous ne savons rien, nous autres.
Quand, à la Commune, nous voulions toucher aux choses de
guerre, le Comité militaire faisait sonner ses éperons, et l on nous
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renvoyait à l instruction publique, ou ailleurs  chacun dans son
trou !
« Avez-vous été soldat ? qu y connaissez-vous, il y a une
commission nommée, ne lui mettez pas votre porte plume dans
les jambes& laissez faire les spécialistes ! & »
Ah ! maintenant, je m en ronge les poings !
Où est-il, La Cécilia ? Je n entends pas approcher son fameux
cheval noir, qu il aime à faire piaffer, dit-on.
J ai envie de me lever, de prendre la première rosse venue, de [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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