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mandera son patriotisme ! »
Nulle signature. Écriture inconnue. Rien qui pût indiquer
au jeune officier de quelle part venait cette lettre.
En tout cas, c étaient là des nouvelles de la corvette, dont
on n entendait plus parler depuis quelque temps. C était aussi,
pour Henry d Albaret, l occasion de reprendre son métier de
marin. C était enfin la possibilité de poursuivre Sacratif, peut-
être d en débarrasser l Archipel, peut-être aussi et cela ne fut
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pas sans influencer sa résolution une chance de rencontrer
dans ces mers Nicolas Starkos et la sacolève.
Le parti d Henry d Albaret fut donc immédiatement arrêté :
accepter la proposition que lui faisait ce billet anonyme. Il prit
congé du colonel Fabvier, au moment où celui-ci s embarquait
pour Syra ; puis, il fréta une légère embarcation et se dirigea
vers le nord de l île.
La traversée ne pouvait être longue, surtout avec un vent
de terre qui soufflait du sud-ouest. L embarcation passa devant
le port de Coloquinta, entre les îles Anossai et le cap Pampaca. À
partir de ce cap, elle se dirigea vers celui d Ora et prolongea la
côte, de manière à gagner l anse du même nom. Ce fut là
qu Henry d Albaret débarqua dans l après-midi du 1er mars.
Un canot l attendait, amarré au pied des roches. Au large,
une corvette était en panne.
« Je suis le capitaine d Albaret, dit le jeune officier au quar-
tier-maître, qui commandait l embarcation.
Le capitaine Henry d Albaret veut-il rallier le bord ? de-
manda le quartier-maître.
À l instant. »Le canot déborda. Enlevé par ses six avirons,
il eut rapidement franchi la distance qui le séparait de la cor-
vette un mille au plus. Dès qu Henry d Albaret fut arrivé à la
coupée de la Syphanta par la hanche de tribord, un long sifflet
se fit entendre, puis, un coup de canon retentit, qui fut bientôt
suivi de deux autres. Au moment où le jeune officier mettait
pied sur le pont, tout l équipage, rangé comme à une revue
d honneur, lui présenta les armes, et les couleurs corfiotes fu-
rent hissées à l extrémité de la corne de brigantine.
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Le second de la corvette s avança alors, et, d une voix forte,
afin d être entendu de tous :
« Les officiers et l équipage de la Syphanta, dit-il, sont heu-
reux de recevoir à son bord le commandant Henry d Albaret ! »
130
X
Campagne dans l archipel
La Syphanta, corvette de deuxième rang, portait en batte-
rie vingt-deux canons de 24, et, sur le pont bien que ce fût
rare alors pour les navires de cette classe six caronades de 12.
Élancée de l étrave, fine de l arrière, les façons bien relevées, elle
pouvait rivaliser avec les meilleurs bâtiments de l époque. Ne
fatiguant pas, sous n importe quelle allure, douce au roulis,
marchant admirablement au plus près comme tous les bons voi-
liers, elle n eût pas été gênée de tenir, par des brises à un ris,
jusqu à ses cacatois. Son commandant, si c était un hardi marin,
pouvait faire de la toile sans rien craindre. La Syphanta n eût
pas plus chaviré qu une frégate. Elle eût cassé sa mâture plutôt
que de sombrer sous voiles. De là, cette possibilité de lui impri-
mer, même avec forte mer, une excessive vitesse. De là, aussi,
bien des chances pour qu elle réussît dans l aventureuse croi-
sière, à laquelle l avaient destinée ses armateurs, ligués contre
les pirates de l Archipel.
Bien que ce ne fût point un navire de guerre, en ce sens
qu elle était la propriété, non d un État, mais de simples particu-
liers, la Syphanta était militairement commandée. Ses officiers,
son équipage, eussent fait honneur à la plus belle corvette de la
France ou du Royaume-Uni. Même régularité de manSuvres,
même discipline à bord, même tenue en navigation comme en
relâche. Rien du laisser-aller d un bâtiment armé en course, où
la bravoure des matelots n est pas toujours réglementée comme
l exigerait le commandant d un bâtiment de la marine militaire.
La Syphanta avait deux cent cinquante hommes portés à
son rôle d équipage, pour une bonne moitié Français, Ponantais
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ou Provençaux, pour le reste, partie Anglais, Grecs et Corfiotes.
C étaient des gens habiles à la manSuvre, solides au combat,
marins dans l âme, sur lesquels on pouvait absolument comp-
ter : ils avaient fait leurs preuves. Quartiers-maîtres, seconds et
premiers maîtres dignes de leurs fonctions étaient
d intermédiaires entre l équipage et les officiers. Pour état-
major, quatre lieutenants, huit enseignes, également d origine
corfiote, anglaise ou française, et un second. Celui-ci, le capi-
taine Todros, c était un vieux routier de l Archipel, très pratique
de ces mers, dont la corvette devait parcourir les parages les
plus reculés. Pas une île qui ne lui fût connue en toutes ses
baies, golfes, anses et criques. Pas un îlot, dont la situation n eût
déjà été relevée par lui dans ses précédentes campagnes. Pas un
brassiage, dont la valeur ne fût cotée dans sa tête, avec autant de
précision que sur ses cartes.
Cet officier, âgé d une cinquantaine d années, Grec origi-
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